Le Tribunal statuant sur la demande d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire peut valablement ordonner, dans un jugement avant dire droit, communication des actes et pièces relatifs à une procédure de mandat ad hoc ou de conciliation, sans que la confidentialité attachée à une procédure préventive n’y fasse obstacle.
Il résulte de l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 22 novembre 2023 (n°22-17.798) que le Tribunal qui est saisi d’une demande d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire par un débiteur ayant bénéficié d’une procédure de mandat ad hoc dans les dix-huit mois qui précèdent, peut solliciter, avant même le jugement d’ouverture, la transmission des pièces et actes relatifs à cette procédure.
Dans cette affaire, le Tribunal, avant de statuer sur la demande d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire, avait ordonné, dans un jugement avant-dire droit la communication des pièces et actes relatifs au mandat ad hoc et renvoyé l’examen de l’affaire à une date ultérieure.
Appel-nullité avait alors été interjeté à l’encontre de ce jugement par la demanderesse, sur le fondement de l’article L611-15 du Code de commerce qui dispose que « toute personne qui est appelée à la procédure de conciliation ou à un mandat ad hoc ou qui, par ses fonctions, en a connaissance est tenue à la confidentialité ».
La Cour d’appel avait confirmé le jugement précédemment rendu.
Un pourvoi est formé à l’encontre de cet arrêt puisque, selon la demanderesse au pourvoi, le Tribunal ne pouvait ordonner la levée de la confidentialité alors même que la procédure collective n’avait pas encore été ouverte.
La demanderesse considérait que le Tribunal, puis à sa suite la Cour d’appel, avaient commis un excès de pouvoir en affirmant le contraire.
La Haute Juridiction rejette le moyen et énonce qu’ « en application des articles L621-1, alinéa 5 et 6 et L631-7 du Code de commerce, un tribunal, saisi d’une demande d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à l’égard d’un débiteur qui bénéficie ou a bénéficié d’un mandat ad hoc ou
d’une procédure de conciliation dans les dix-huit mois qui précèdent, peut, d’office ou à la demande du ministère public obtenir communication des pièces et actes relatifs au mandat ad hoc ou à la conciliation, nonobstant les dispositions de l’article L611-15 du même code ».
L’arrêt, publié au bulletin, est intéressant en ce qu’il vient préciser les contours de la levée de la confidentialité attachée à une procédure préventive. S’il ne faisait jusqu’alors nul doute sur le fait que le Tribunal qui ouvre une procédure collective pouvait solliciter la communication des éléments relatifs
au mandat ad hoc ou à la conciliation, l’arrêt vient préciser que le Tribunal est fondé à ordonner la levée de la confidentialité avant même d’avoir statué sur l’ouverture de la procédure collective. La Cour de cassation vient ici affirmer que la levée de la confidentialité n’intervient pas nécessairement une foisla
procédure collective ouverte.
Même si la préservation de la confidentialité qui entoure les procédures préventives est primordiale, la décision ne peut qu’être approuvée. Il semble en effet cohérent que la Juridiction, appelée à statuer sur la demande d’ouverture d’une procédure collective, puisse avoir pleinement connaissance de la situation du demandeur afin d’être en mesure d’apprécier le bienfondé de la demande, s’agissant notamment du fait de savoir si la procédure sollicitée est adaptée.